La Rome du Duce: urbanisation et propagande fasciste

 Stéphane Mourlane, maître de conférences à l'Université d'Aix

Il s’agit de donner à voir la puissance du régime fasciste; L’urbanisme doit révéler l’Italie nouvelle, le régime totalitaire façonne un homme nouveau. Il contribue à édifier le mythe de la troisième Rome.

    • Par la politique intérieure

    • par la politique internationale

     • et susciter le consensus autour de la nation italienne.

La référence à la romanité glorieuse est constante. L’époque romaine antique fonde l’unité : l’unité est une véritable mystique

“ Rome dit le droit”

L’emprise de la Rome antique s’étend jusque dans les confins de la Tunisie, de la Lybie, où les vestiges légitiment l’ambition mussolinienne d’établir son empire. Le régime fasciste se veut universel, et se présente comme une autorité de référence. Le vocabulaire “Duce”, “licteurs” empruntent au champ lexical marqué de l’antiquité. Il contribue au mythe de la romanité triomphante.

De 1920 à 1930, l’influence de la Rome antique marque le développement architectural, selon trois étapes.

1 Autour du Forum

Le forum était une zone marécageuse. La plupart des monuments n’était pas visible. C’est à l’époque napoléonienne qu’on commence à faire œuvre archéologique. A l’époque fasciste les considérations idéologiques l’emportent sur les considérations scientifiques. Mussolini ne s’intéresse qu’aux emblèmes impériaux et pour cela on éventre les villas patriciennes, les thermes, les voies d’accès.

15% seulement de la surface des fouilles est visible. Il faut “dégager la ville des siècles de décadence” et il faut la “libérer”. Une relecture de l’histoire fait l’impasse sur toute la période qui va du Moyen Age à l’ère fasciste. Deux millions de m³ de terre sont remués, 50 000 logements supprimés. Les quartiers médiévaux, de la Renaissance doivent être détruits et des milliers de romains pauvres sont déportés vers des cités d’urgence, dépourvues du moindre confort.

La Via della Conciliazone (photo : travaux) est ouverte au moment du traité de Latran en 1929. L’État italien garantit la frontière des états du pape et le pape reconnaît l'état italien.

Auguste est la figure magnifiée.

L’exposition Augustinienne et la romanité au Palais des expositions en 1937, avec ses trois arcs monumentaux temporaires en témoigne. Auguste c’est la restauration de la paix civile, c’est la fondation de l’Empire.

La Via dell’Impero (photo : parade militaire en 1932)
rejoint le Colisée, monument antique à la piazza Venezia, haut lieu des cérémonies fascistes On voit e?ncore les plaques de marbre gravées à cet effet.

2-Quartier du Foro Mussolini (maintenant  Foro Italico)

• Il foro italico : Autour du sport. Mussolini se définit comme il primo sportivo dell’Italia.

Le football est mis à l’écart pour plusieurs raisons : Il vient de l’étranger (on italianise son nom en calcio) ; il suscite le régionalisme : en 1925, des coups de feu sont échangés à la gare de Turin entre tifosi de Bologne et de Gênes et c’est un milieu suspecté de corruption, en 1927.  
Les sports mis en valeur sont la boxe, l’escrime, la lutte, l’équitation...

L’Académie fasciste du sport est réunie au Stade des marbres (photo) orné de 62 statues offertes par les provinces italiennes et d’un obélisque offert par Carrare.

En 1960, les Jeux Olympiques s’y déroulèrent.

• Le nouveau Palais del Littorio  (maintenant Palazzo della Farnesina) avec ses 1300 pièces et ses 9 étages devait accueillir le siège du parti national fasciste mais en 1942, il fut décidé de l'attribuer au ministère des Affaires étrangères.

3- Le quartier de l’EUR

EUR pour Exposizione universale di Roma qui devait se tenir en 1942 mais fut annulée en 1939 avec la déclaration de la guerre.

Tout un quartier constituant le rêve de l’Urbs Magna, il est conçu comme l’incarnation de la troisième Rome. Il devait contenir des salles à exèdres rappelant l’édifice de Trajan.

Il contient les Archives nationales, le Musée de la Nation romaine, (inauguré en 1950!) dans lequel se trouve une gigantesque maquette de la Rome antique, la basilique des Saints Pierre et Paul, le Palais de la Civilisation et du travail (photo appelé aussi le Colisée carré).

Tout ce projet architectural constitue une mise en scène quasi théâtrale au service de la nation fasciste. L’individu n’existe pas, il doit se fondre dans le concept de nation fasciste.

Elisabeth Grimaldi